Lore
- Les Kalguurs
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Nous appartenons au peuple kalguur. Nous passons notre existence à patauger dans la fange et la saleté de la vie mortelle en quête de quelques bribes de renommée. Certains la trouvent sur le champ de bataille, d'autres en servant autrui, et d'autres encore en se portant volontaires pour naviguer aux confins du monde connu afin de poursuivre une quête impossible. Nos choix déterminent ce que nous sommes, et ce que nous devenons retentit jusqu'à entrer dans la légende.
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On est un peuple fier, mais lequel ne l'est pas ? La différence, c'est que nous, on fait face aux dures réalités de la vie à travers l'application judicieuse des notions de bravoure et de courage. Chaque lignée tient compte de la renommée et des exploits accumulés au fil du temps. On ne le fait pas pour nous-mêmes, mais pour nos enfants, si jamais on en a un jour. Croisons les doigts.
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Essentiellement, les runes qui ornent nos armures capturent et façonnent la lueur des étoiles. Cela peut sembler très poétique, mais ne vous laissez pas attendrir. Les forgerons des Kalguurs ont consacré ces runes à l'art de tuer il y a très longtemps, dès qu'ils ont découvert qu'elles pouvaient précipiter les flèches vers leurs cibles et permettre aux lames de mordre plus profondément la chair. Les plus grands d'entre eux furent nommés artificiers et produisirent des œuvres d'un génie singulier. De telles reliques n'existèrent pas en de grandes quantités, mais cela n'était pas nécessaire de toute façon.
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Le plus puissant des artefacts de nos légendes qui nous sont parvenues fut amené sur ce continent par la première expédition il y a de cela des millénaires. Les chants affirment qu'il consumait le mal, qu'il purifiait les champs corrompus et qu'il repoussait ceux habités par de mauvaises intentions. Une telle relique nous serait bien utile en ces temps troubles, mais… pour la récupérer, il nous faudrait retrouver la trace de ces âmes d'antan. Car elles seules pourraient nous dire quel fut le destin du Triskèle enflammé.
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Les prêtres des Kalguurs vénéraient le savoir, non les dieux.
Uniques##Faithguard
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Je n'avais jamais entendu parler de cette histoire de « dieux » avant de mettre le pied ici, mais je connais au moins un... homme... qui se considère comme tel. Nous ferions mieux de ne pas aborder le sujet de la divinité avec ceux qui sont restés à la maison.
- Colonisation of Wraeclast
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Bien qu'il fût impossible de décrypter la véritable signification du présage, nul ne pouvait nier ce qui s'était produit. Des secousses avaient ébranlé la terre, les nuages nocturnes avaient pris la fuite, le peuple s'était mis à l'abri en tremblant, des traînées sidérales avaient décrit des arcs dans le ciel avant d'embraser nos forêts là où elles s'étaient écrasées, et un soleil cramoisi s'était levé à l'horizon. La puissance de la lueur était telle que la demi-lune était devenue pleine et vermeille.
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Comme quelque chose d'à la fois merveilleux et terrible s'était produit, le roi Cadigan le Troisième commandita, en direction de cet horizon, une expédition menée par nos plus grands guerriers qui porteraient avec eux le Triskèle enflammé en guise de protection. Lié à sa Flamme par le devoir, je m'inscrivis en tant que Premier Mémorialiste. Nous partîmes dans le mois.
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Notre périlleuse traversée sur ces flots turbulents et déchaînés dura presque deux saisons au cours desquelles nous n'aperçûmes que très rarement le ciel entre les nuages noirs pris d'assaut par des éclairs écarlates. Nous ne pouvions ni boire l'eau de pluie ni manger la chair des poissons avant de les avoir purifiés avec la Flamme. Et encore, notre subsistance fut des plus frugale. Nos provisions s'étaient épuisées et nos hommes mourraient de faim lorsque la terre émergea dans le lointain.
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Le premier pied posé sur cette terre fut broyé par des mâchoires invisibles enfouies dans le sable. Rares sont les présages aussi limpides. Nous dûmes nous frayer un macabre chemin à travers les dunes en repoussant les créatures aquatiques, avant d'apercevoir des horreurs épouvantables qui titubaient entre les arbres. Chacun de nos pas fut gagné avec le prix du sang.
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C'est lors de la septième nuit que les sinistres nuages se dispersèrent momentanément pour laisser émerger nos étoiles bénies. Olroth planta le Triskèle enflammé au centre de nos fortifications. Dès que le rite de protection fut accompli, nous fûmes tous gagnés par une légère, mais rassurante impression de sûreté. C'est à partir de cet instant que tout naquit pour nous, telle une fleur sous l'étreinte d'un arbre.
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Tandis que les Chevaliers du Soleil s'enfonçaient plus profondément dans les terres, nous découvrîmes les vestiges d'un empire gigantesque à même de rivaliser avec notre patrie. D'innombrables cadavres gisaient carbonisés, mais un nombre considérable d'autres refusait de trouver le dernier repos. Plusieurs étaient parés de gemmes scintillantes qui attiraient le regard et attisaient notre convoitise. Ces abominations qui foulaient toujours le sol avaient souvent ces gemmes incrustées à même leurs membres. Voyant cela, Uhtred déclara ces cristaux impurs. Nul parmi nous ne souhaita le contredire.
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Lié par l'honneur, je dois découvrir quel fut le sort d'Uhtred et de l'Ordre du Calice. Je suis prêt à négocier pour toute relique arborant leurs marques et leurs runes que vous trouverez. Il s'agissait du clergé et de l'ordre religieux principal qui montèrent à bord des premiers vaisseaux qui prirent la mer pour Wraeclast. Ils lisaient les étoiles et étudiaient le fonctionnement de forces mystérieuses telles que l'alchimie, la machinerie et les runes. J'ai moi-même toujours voulu rejoindre l'Ordre ; j'aime bien l'idée de passer mes jours cloîtré dans un laboratoire pour mener des recherches.
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Ce furent les Chevaliers du Soleil qui explorèrent les premiers les cités maudites des Vaal. Ce journal de bord date de ces premiers jours, tout juste après leur arrivée sur Wraeclast, quand ils découvrirent cet empire grandiose, brillant... et truffé d'êtres chancelants. J'ai peine à imaginer quel horrible événement a pu causer la mort d'une civilisation entière aussi soudainement. Et je ne suis pas certain de vouloir le savoir.
Devons-nous suivre leurs pas, exilé ? -
De vastes montagnes d'or parsèment cet empire éteint, souvent gardées par les plus dangereux et les plus fastueusement vêtus de tous les non-vivants. Malgré leur état monstrueux, ces nobles et ces prêtres se tapissaient près des trésors, réticents à renoncer à ce qui eut plus de valeur à leurs yeux que leurs propres existences. Ceux-là n'étaient pas morts dans les rues comme ceux qui avaient tenté de fuir ; ils s'étaient barricadés à double tour dans leurs temples, se condamnant par le fait même dans ce qui allait devenir leurs tombeaux.
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Les nobles d'Utzaal avaient ouvert les valves de leurs propres voies d'eau pour se noyer volontairement, non pas pour s'épargner des souffrances, mais pour contrarier les pilleurs éventuels. C'était là un empire qui avait été gouverné par des déments. Cet ultime acte de malveillance avait porté ses fruits, car il nous fut absolument impossible de drainer les eaux meurtrières. Leurs trésors étaient destinés à être perdus pour l'éternité. Les autres cités, cependant, se révélèrent la source de richesses qui dépassent l'imagination.
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Le roi Cadigan le Troisième vit en ces nouvelles terres et les trésors qu'elles recelaient une source de richesses inépuisables. Les artisans arrivèrent les premiers, bientôt suivis par des navires pleins à ras bord de marchands et d'hommes libres. Bien entendu, les femmes et les enfants ne tardèrent pas à débarquer eux aussi et, au cours de la troisième année, la charte du tout premier village fut établie. La colonie allait connaître la prospérité aussi longtemps que le Triskèle enflammé allait briller de mille feux, mais bientôt, nous fûmes trop nombreux pour tous demeurer dans la grâce de sa protection.
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Les mercenaires de la Faux noire, sous le commandement de Vorana, élaborèrent des stratégies de défense et de tri qui élargirent l'étendue du territoire que nous pouvions protéger. Les distances à couvrir étaient l'élément clé. Armés d'arbalètes, postés derrière des murs solides, ses hommes purent éliminer une horreur après l'autre, les réduisant en lambeaux jusqu'à ce qu'ils demeurassent immobiles. Nous eûmes l'audace de croire que nous pouvions dominer ce continent abandonné grâce à des moyens aussi simples et triviaux. Dix autres villages furent construits cette année-là.
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Une guerrière qui foutait la trouille et qui s'en laissait pas montrer. Le roi Cadigan le Troisième a bien essayé de la forcer à servir la Couronne, mais elle a collé des roustes à tous ceux qui ont tenté de l'y obliger. Quand il a fini par comprendre que personne pouvait la tenir en laisse, il lui a octroyé un statut de mercenaire. En ayant la liberté de bosser comme elle l'entendait, elle a remporté un grand nombre de victoires au nom des Kalguurs. J'ai beaucoup de respect pour ceux qui tracent leur propre voie.
On ignore quel sort elle a connu sur Wraeclast, mais mon petit doigt me dit qu'elle est toujours dans les parages. Jamais un esprit ardent comme le sien irait s'éteindre sans opposer une résistance digne des légendes. -
Le commerce fut amorcé avec les insulaires et les montagnards le long de routes éloignées, bien que, à défaut de parler la même langue, nous ne pouvions pas nous comprendre. J'ai consigné certains des chants des insulaires afin de pouvoir les décrypter plus tard, et j'ai aussi rencontré des survivants de l'empire déchu parmi le peuple des montagnes.
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Aucun des rares survivants de l'empire déchu ne portait les gemmes aperçues sur les morts chancelants. Lorsque je dessinai l'une d'elles dans le sable, cela souleva une panique telle que nous fûmes bannis des montagnes. En entendant cela, le roi Cadigan le Troisième interdit officiellement les cristaux ; ainsi, plus aucun ne put être acheminé depuis ou envoyé à la mère patrie.
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À l'heure où le roi Cadigan le Quatrième accéda au pouvoir en la mère patrie, nous avions de notre côté érigé tant de villages qu'il était impossible de les dénombrer. Dissidents, parias, factions religieuses et ensauvagés étaient tous venus pour repartir à neuf sur une terre nouvelle et n'avaient aucun désir de rendre des comptes aux Chevaliers. Ce furent ces enclaves isolées qui souffrirent en premier de ces horreurs inédites, souvent en silence, refusant d'admettre à ceux de l'extérieur qu'ils faisaient face à des dangers qu'ils étaient incapables de surmonter par eux-mêmes.
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Chaque homme, chaque femme qui succomba en dehors des zones protégées devint une créature titubante tapie dans la nuit. La malédiction de cette terre n'avait pas été conjurée par le Triskèle enflammé, mais seulement tenue à distance. Et la mort des nôtres la renforçait.
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Les mystiques de la nature de Medved affirmèrent avoir aperçu une sorte de volute de vapeur quitter un homme au moment de sa mort, uniquement perceptible quand celui-ci s'éteignit à proximité d'une des gemmes interdites, et seulement encore lorsque cette volute fut attirée vers cette dernière. Medved déclara alors que tout être humain devait posséder une forme d'essence qui dépassait pour l'heure notre entendement. Pour cela, Uhtred le traita de blasphémateur, et s'apprêta à expulser son ordre vers la périphérie. Medved paya une grande somme pour éviter cet exil, et c'est ainsi que la question fut réglée.
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Des quatre grands héros de notre peuple, Medved était le plus mystérieux. Ses mystiques de la nature détenaient moult sanctuaires gardés en des lieux retranchés. Même si l'obscurité de Wraeclast l'aura dépourvu de ses sens surnaturels, rien n'écarte la possibilité qu'il eût employé ces havres à des fins malveillantes pour autant. Les informations contenues dans ce journal de bord pourraient bien nous conduire vers l'un de ces endroits. La décision vous revient, exilé.
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Liée par l'honneur, je dois découvrir quel fut le sort de Medved et des Druides du Cercle brisé. Ils avaient la conviction de pouvoir contempler l'avenir en observant le passé. En théorie, c'est un pouvoir que j'aimerais bien posséder, par rapport à la chance et au profit... mais je ne suis pas sûre de vouloir qu'il existe. Si Medved et ses mystiques de la nature avaient raison et que le Temps est réellement un cercle, ne sommes-nous donc pas condamnés à répéter nos existences encore et encore pour l'éternité ? Si telle est la vérité, alors, dans ce cas, le hasard n'existe pas. La chance et la volonté humaine non plus. La vie ne serait qu'une pièce de théâtre qui recommence sans fin. Je ne crois pas que cette notion me plaise.
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L'hiver de cette année-là, les caravanes et les messagers envoyés à la périphérie ne revinrent plus. Olroth emmena les Chevaliers du Soleil à travers les forêts et les collines glaciales afin de les retrouver. Ils constatèrent que les hommes de la périphérie avaient perdu grand nombre des leurs et qu'ils étaient harcelés par des horreurs jamais vues auparavant.
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Olroth et ses Chevaliers évacuèrent la périphérie avant d'en incendier les forêts. Des rivières au sud jusqu'aux sables septentrionaux s'étendit une vaste rangée de flammes. Personne ne voulut expliquer les raisons d'une mesure aussi draconienne. À son retour, Olroth élargit l'influence du Triskèle enflammé, malgré le fait que la barrière de lueur d'étoiles verrait sa puissance diminuer considérablement en couvrant un territoire aussi immense. Mais c'était là un mal nécessaire pour la protection des villages. Olroth le Galant se retira souvent dans la solitude, et devint connu sous le nom d'Olroth le Morne.
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Quel cruel printemps nous traversons ! Lors de la dernière nuit sans lune, le Démon aux yeux vides a de nouveau pris l'un des nôtres. Sa dernière victime était une jeune femme destinée à commencer son entraînement de guerrière lors de son Second Passage. Plusieurs ont succombé face aux horreurs de cette terre maudite au cours des premiers jours, mais j'avais la conviction que nous étions parvenus à maîtriser l'obscurité avec nos rituels purificateurs.
J'avais tort. Faire pousser des denrées comestibles n'est pas la même chose que de protéger les nôtres des rejetons de la nuit. C'est comme si la terre elle-même tirait des leçons de nos victoires en déformant ces créatures de sorte qu'elles puissent contourner nos défenses. -
Une nouvelle tactique de guerre a été élaborée par Medved et ses mystiques de la nature, une stratégie initialement interdite par leurs convictions. Après avoir observé la capacité des horreurs autochtones à croître rapidement et à s'adapter, il a suggéré l'idée que notre erreur reposait sur l'inachèvement de notre tâche.
Quand nous eûmes abattu toutes les Vorniculies hormis les plus coriaces, celles qui restaient engendrèrent d'autres de leurs semblables en leur transmettant leur dangerosité. Afin de nous assurer une victoire définitive et ainsi protéger nos villes naissantes, nous devons éradiquer des espèces entières. Et pour ce faire, nous devons amputer un pan de nature tout entier. Toute manœuvre moins radicale ne ferait que resserrer l'étau de notre condamnation. -
Les Vorniculies ont été massacrées jusqu'à la dernière et ne souilleront plus jamais cette contrée de leurs poisons. D'innombrables autres rejetons de la nuit se cachent dans les ombres de ce pays maudit, mais une victoire est une victoire, aussi petite soit-elle. L'excellence de mes chevaliers et des hommes de Vorana est telle qu'aucun des nôtres ne fut sacrifié dans les incendies de forêt et de bruyère. En cette journée exceptionnelle, nous n'avons nulle raison de nous lamenter.
Mes pensées se tournent dorénavant vers mon devoir encore inachevé. Le Démon aux yeux vides est le seul de son espèce qu'il m'eût été donné d'apercevoir. Je dois m'assurer que lui aussi disparaîtra de ce monde sous la brûlure de la torche et par le fil de l'épée. -
La moitié des Chevaliers du Soleil ont battu les collines et les sentiers pour chasser le Démon aux yeux vides. J'ai réussi à le frapper directement sur la nuque avec mon épée, mais la blessure n'a pas saigné. Cette chose ne vit pas. Elle se repaît à l'aide de ses innombrables bras dentés non pas pour se sustenter, mais pour savourer les cris de ses victimes. Je l'ai vu dans le néant des globes plantés dans son visage en décomposition. Le Démon... m'a souri... avant de trancher mon écuyer en deux d'un coup de mâchoire.
Une flamme normale ne prend pas sur lui. Une arme ordinaire est incapable de faire jaillir son sang. Les circonstances me poussent à envisager de commettre l'interdit. Medved et ses mystiques de la nature ont mis de côté leur vertu première afin de rendre possible la survie en ces lieux, et je dois maintenant me résigner à faire de même. Les montagnards nous ont mis en garde contre les gemmes de pouvoir, mais force m'est d'admettre que je n'ai plus d'autre choix... -
Que d'exaltation ! Que d'enchantement ! Je me suis aventuré seul dans la nuit, une gemme proscrite enchâssée dans le pommeau de mon épée jusqu'alors inutile. Cette fois-ci, je suis revenu avec la tête du Démon, encore souriante devant la mort éternelle qui l'aura conquise. La gemme, flamboyant de l'éclat de ma fureur, projeta un rayon de lueur d'étoile qui transforma un coup manqué en une coupure mortelle.
Ce fut pure folie de notre part d'avoir tourné le dos à une telle puissance. Une erreur qui coûta la vie à beaucoup trop d'entre nous. Dès que la lumière du matin léchera la cime des arbres, j'ordonnerai aux Chevaliers du Soleil toujours debout à partir à la recherche d'autres de ces gemmes proscrites. L'heure est venue de conquérir cette terre et de la rendre sûre pour l'éternité. -
Au cours de l'été durant lequel les Chevaliers du Soleil commencèrent à enchâsser les gemmes proscrites sur leurs armes et leurs armures, Medved des Druides du Cercle s'adressa au peuple : « Le passé-futur s'est obscurci. Il n'est pas rare qu'en ces lieux les bassins de prédiction soient souillés par un brouillard cramoisi, mais la situation actuelle est inédite. La nuit pendant laquelle Olroth est parti seul, il ne me fut plus possible de scruter le passé. C'est pourquoi l'avenir m'est aujourd'hui impénétrable. » Par la suite, son ordre fut connu sous le nom des Druides du Cercle brisé.
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Une femme encapuchonnée approcha Medved sur la place publique, sous la pique au bout de laquelle était plantée la tête du Démon aux yeux vides : « Auriez-vous donc perdu la foi, Haut druide ? »
Medved lui répondit : « Celui qui n'étudie pas le passé ne peut s'empêcher de le répéter malgré lui, mais celui qui est dans l'incapacité d'étudier le passé n'a aucun avenir devant lui. Le Cercle a été brisé. »
Lorsqu'elle releva son capuchon, il comprit qu'il avait affaire à Vorana, la dirigeante de la Faux noire. Elle lui dit : « Dans ce cas, prenez les armes et nous franchirons ensemble le fossé qui sépare le passé du futur par la force du fer. »
Medved accepta les deux haches qu'elle lui tendit et commença à entraîner son ordre en prévision de la bataille à venir. Les gemmes enchâssées sur les deux armes leur conféraient une puissance extraordinaire. -
Les Druides du Cercle brisé et les mercenaires de la Faux noire rejoignirent la périphérie afin de venir en aide aux Chevaliers du Soleil, qui avaient perdu la moitié de leurs effectifs durant la chasse au Démon aux yeux vides. Bien que la barrière de lueur d'étoiles vît son influence affaiblie par son expansion, les guerriers, forts d'une puissance nouvelle, se servirent du pouvoir des gemmes pour repousser les rejetons de la nuit. En résulta un enlisement qui dura plusieurs saisons au cours desquelles de nombreux héros se firent remarquer par leurs prouesses. Annest, fille de Medved et Vorana, fut renvoyée vers la mère patrie afin qu'elle puisse être élevée en toute sécurité. Le fils d'Olroth, à l'aube de son Premier Passage, l'accompagna en tant que gardien.
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L'effroi s'empara de nos rangs lorsque l'impensable se produisit : un chef se leva parmi les horreurs déformées, un être doté d'intelligence et capable de commander. Les créatures commencèrent à frapper là où la barrière de lueur d'étoiles était la plus fragile ou là où les patrouilles ne traversaient pas. Comme habité par quelque horrible idée qu'il refusa de partager avec quiconque, Medved envoya un messager dans l'obscurité. Celui-ci revint vivant et en possession d'un parchemin. Les mots qu'il contenait semblèrent confirmer les craintes de Medved, qui partit s'enfoncer dans la nuit afin de défier le nouveau chef de l'ennemi. On ne le revit plus.
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Les prêtres avaient déjà des yeux et des oreilles partout lorsqu'arriva la saison de la disparition de Medved. Soupçonnant une trahison de la part de ce dernier, le Grand prêtre Uhtred ordonna à ses initiés d'observer en silence les allées et venues des autres chefs. Ils remarquèrent qu'au terme de chaque jour passé à se battre jusqu'à l'exténuation, Olroth le Morne retournait à sa solitude. Puis, après un certain temps, il ressortait par une autre porte, disparaissant dans la nuit à l'insu de tous. Lors de ces excursions, il gardait les yeux fermés, comme s'il était plongé dans le sommeil.
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Uhtred et ses prêtres suivaient leurs propres programmes secrets. Déchiffrer des journaux de bord excessivement religieux et potentiellement mensongers n'est pas chose facile ; tout y est « pur » et « étoilé » et « chatoyant ». Celui qui tente de faire concorder tout ça met sa patience à l'épreuve, vous pouvez me croire. Au moins un site de l'Ordre du Calice est mentionné ici. Quelle sera notre prochaine destination, exilé ?
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Uhtred élabora plusieurs plans retors et renvoya son fils Owen en la mère patrie afin de lui éviter d'être la victime d'une quelconque forme de représailles. Une semaine après la récolte, dans la fraîcheur du soir, une douzaine de prêtres attendait Olroth à l'extérieur de son donjon. Ils le poignardèrent de leurs dagues sacramentelles pendant son somnambulisme. Il s'effondra au bout de soixante-et-onze coups. Vorana apparut telle une bourrasque noire et décapita les douze en une seconde.
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On allongea Olroth sur un catafalque pour le soigner à l'aide de divers médicaments, bandages et autres herbes. Les cris populaires réclamaient le sang du clergé, mais Uhtred nia toute connaissance des agissements de ces douze traîtres. Le plus grand dirigeant du peuple gisait aux portes de la mort. Ils le recouvrirent d'une cloche de verre afin d'empêcher son souffle de prendre la fuite.
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Une femme encapuchonnée approcha Uhtred sur la place publique, sous la pique au bout de laquelle était plantée la tête du Démon aux yeux vides : « Pourquoi vos prêtres ont-ils attaqué Olroth, à votre avis ? »
Uhtred lui répondit : « Pourquoi Olroth disparaissait-il dans la nuit, selon vous ? C'est lui, le nouveau chef des horreurs difformes. De jour, il se bat à nos côtés ; de nuit, il se bat pour eux. »
Lorsqu'elle releva son capuchon, il comprit qu'il avait affaire à Vorana, la dirigeante de la Faux noire. Elle lui dit : « Je devrais vous tuer sur place pour de tels propos. »
Une faux posée contre sa gorge, Uhtred rétorqua : « Tuez-moi dans une semaine si vous le souhaitez. Mais si les forces de l'ennemi se désorganisent tandis qu'Olroth dort sous verre, alors vous verrez la vérité de mes paroles. »
Vorana lui fit alors cette promesse : « Je vous donnerai en pâture à la tête du Démon aux yeux vides ici même si vous avez tort. »
Et elle s'en fut. Les forces de l'ennemi ne se désorganisèrent pas cette semaine-là, et Uhtred partit se tapir au cœur d'un site de pouvoir ancestral. -
La semaine même où Vorana portait son serment, un nouveau chef émergea parmi les horreurs. Armé de deux haches, il chercha les héros qui s'étaient démarqués, les provoquant en combat singulier. Il en massacra quarante-deux au terme de quarante-deux nuits. Quand Vorana s'avança pour affronter cette abomination, elle reconnut son Medved bien-aimé sans en croire ses yeux. Elle donna l'ordre de la retraite et refusa d'accepter le défi. Deux villages furent détruits.
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Réalisant qu'Uhtred avait eu raison de dire du mal de grands hommes, elle envoya un messager à son intention afin de renouer le contact. Un plan avait été élaboré, dans lequel on irait implorer le Triskèle enflammé de réduire le rayon de sa barrière de lueur d'étoiles. Ainsi, il protègerait efficacement une poignée de villages plutôt que faiblement la région entière. Tous les survivants avaient été évacués vers les terres centrales et Vorana avait trouvé les rites d'ajustement de la Flamme dans le journal d'Olroth. Tel fut le message qu'elle fit parvenir à Uhtred.
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Les villages centraux étaient bondés et les guerriers assiégés des Chevaliers du Soleil, de La Faux noire et du Cercle brisé s'étaient tous repliés. Mais la barrière de lueur d'étoiles, elle, ne s'était pas resserrée. Au contraire : elle s'était volatilisée. Vorana se précipita vers l'autel du Triskèle enflammé et s'aperçut que celui-ci avait disparu. Les vaisseaux avaient tous été incendiés et coulés à quai, à l'exception d'un seul qui, lui, avait pris la mer.
Face au peuple, elle s'écria : « Uhtred le Traître a fui avec la Flamme ! »
La foule gémit de désespoir tandis que les horreurs se rapprochaient de tous les côtés. Sans la barrière de lueur d'étoiles, chacun était à leur merci. Les villages centraux devinrent une forteresse tombale défendue par des murs et par le fer, mais dont on ne pouvait s'échapper. Plusieurs d'entre nous se retranchèrent dans le lieu de repos d'Olroth, seulement pour constater que le verre qui le protégeait avait volé en éclats. Il s'est relevé, et nous devons croire qu'il est quelque part dans l'obscurité en train de se battre pour notre salut, peu importe ce qu'avait prétendu Uhtred le Traître. -
Vorana envoya des messagers auprès des insulaires et des montagnards pour leur demander leur aide, mais nul ne sait quel fut leur sort. Les défenseurs firent preuve d'un immense courage, mais la nourriture fraîche ne pouvait être purifiée sans la Flamme. La famine s'installa et les saisons se bornèrent à refuser de ralentir leur marche. Amaigrie, se voyant dépérir, Vorana comprit que l'attente signifiait leur arrêt de mort. Elle savait en revanche qu'il existait un moyen de gagner en puissance ; c'est ainsi qu'elle accomplit le rite interdit et enchâssa les gemmes dans sa propre chair.
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Puis, elle se leva et sortit à l'extérieur des murs, semant la mort parmi les horreurs nocturnes à chaque grand coup de sa faux. Elles n'avaient aucune chance face à tant de puissance. Vorana cria à notre intention : « Je ne me reposerai pas tant qu'une seule de ses abominations sera encore debout ! »
Certains parmi nous la croient capable de venir à bout de tous les monstres de cette contrée abandonnée à elle seule. D'autres ne sont pas aussi idéalistes. Si jamais Vorana devait ne jamais revenir, il nous resterait encore une issue, une que nous n'avons pas osé risquer jusqu'à présent, cachée sous terre et plus ancienne que les plus anciens de nos hommes... Nous devons garder espoir. Ce n'est pas la fin de notre peuple sur ce continent. La nuit tombe, mais il y aura une aurore. -
Lors des tout derniers jours de l'histoire de notre peuple en ce continent, le Premier Mémorialiste prit la fuite avec le reste des survivants dans une ultime tentative d'éviter la mort imminente. Nous tenons là son journal de bord, exilé ! Apparemment, l'Ordre du Calice a découvert... un artefact inconnu... Tout ce que le chroniqueur savait, c'est que les plus anciens connaissaient sa puissance au point d'ériger un sanctuaire autour de lui.
C'est vers celui-ci qu'Uhtred s'est retranché afin d'échapper au courroux de Vorana. Les survivants s'attendaient à l'y retrouver, mais le texte s'arrête juste avant qu'ils n'eussent atteint leur destination. Souhaitez-vous suivre leurs traces ? -
D'après ce que vous avez trouvé, pendant que Vorana tentait un ultime baroud, le reste de notre peuple sur Wraeclast a essayé de s'échapper par un genre de lieu de pouvoir. Mais Uhtred les y attendait et... on sait ce qui est arrivé ensuite. Lui aussi avait succombé à la folie corruptrice. Il a dû les massacrer sur le seuil même du site, même si j'espère que certains d'entre eux ont réussi à l'esquiver et à s'enfuir.
Par contre, il y a une question qui me taraude : Uhtred est celui qui a déclaré les gemmes impures. Selon les comptes rendus que nous avons trouvés, il ne s'en est jamais servi. Comment a-t-il perdu la raison ? Qu'a-t-il vu qui l'a rendu fou ?